Rencontres impromptues

L'ascension est suante ; la montagne faire 4393 pieds, ce qui est relativement peu comparé à
d'autres dans les états avoisinants, mais il faut dire que je me suis couchée
tard la veille (ou plutôt tôt ce matin-là (!), phénomène rare s'il en est un,
moi qui considère que je fais la grasse matinée quand je me lève après 7h.
Bref, je suis
passablement éméchée de la veille, pas très motivée au départ, mais, orgueil
oblige, j'avance et je me rends au sommet.

Normalement,
lorsque je suis seule, je porte dans le front, au sens figuré du terme bien
sûr, mon insigne qui dit "back off", incitant toute personne
éventuelle à ne pas s'adresser à moi d'aucune sorte. (Parenthèse, ce n'est pas
tout à fait l'expression qui est écrite dans mon front, mais une bien plus
vulgaire que je vous laisse imaginer. Comme astuce numéro 1 pour ne pas
se retrouver harcelée par des vendeurs itinérants, des chauffeurs de taxi
insistants ou des étrangers, c'est encore ma meilleure tactique, ici ou
ailleurs... Bon, ça explique probablement aussi pourquoi je suis jugée
"inaccessible" par les hommes et pourquoi je suis célibataire, mais....)
Donc hier, voyant
les 2 jeunes hommes en détresse, j'ai effacé l'insigne dans mon front et je
leur ai prêté assistance en leur suggérant le meilleur chemin pour retourner en
bas sans encombre, soit par le chemin le moins accidenté et le plus sec.
Je leur ai souhaité bonne chance et j'ai ensuite franchi les quelques 500
mètres qui me séparaient du sommet, avec non pas 1, mais bien 2 chiens car je
gardais le chien d'une amie ce jour-là.
Après une courte
séance de photos, du fromage et quelques carottes, j'entame la descente pour
retrouver les 2 hommes qui ont décidé de ne pas continuer seuls et me demandent
d'être leur guide pour le retour, moyennant une canette de bière.
J'accepte, c'est là le début de mon métier de guide de montagne...
Mais bon, la rémunération en bière ne payant pas l'hypothèque, "I'll
keep my day job".

Je me sens dans un
épisode de Big Bang Theory avec Wollowitz & Raj, où Wollowitz étudie en
droit et Raj est Mexicain plutôt qu'Indien.
Je l'ai ramène « sécuritairement »
à leur véhicule, on échange des coordonnées qui ne seront sans doute jamais
utilisées comme ça arrive souvent dans ces rencontres fortuites et je songe à
tous ces gens avec lesquels j'ai partagé de brefs instants de bonheur comme
celui-ci.
Je songe à Mike,
du Maine, qui avait égaré ses lunettes de soleil sur le chemin menant au Mont
Isolation dans le New Hampshire, non mécontent de les avoir récupérées auprès
de "the girl with the black dog". (J'avais en effet fait la
découverte des lunettes en chemin, les avais ramassées et je demandais à tous
les gens que je croisais s'ils avaient perdu des lunettes... Mike posant
la question à tous si quelqu'un avait trouvé les siennes, quelqu'un a
finalement fait 1+1 et dit que la fille au chien noir les avait.) Il
avait tant de gratitude à mon égard, me disant qu’il s’agissait de sa première
paire « chère », qu’il m’a accompagné pour finir la randonnée
ensemble avec un autre randonneur qui finissait sa 48e montagne du NH ce
jour-là. J'ai gardé contact avec Mike pour une randonnée dans le Maine à
venir.
Je songe aussi à
Michael et Erick, couple de Toronto rencontré à Bangkok lors d'un cours de
cuisine Thaï et revu plusieurs fois lors de mon voyage en décembre 2012 avec
lesquels j’ai visité quelques musées.
Je pense aussi à Geneviève,
rencontrée dans un de mes rares voyages en tout-inclus. L’une comme l’autre, on s’emmerdait dans la
formule et on a exploré les recoins de la République Dominicaine, excursion que
je n’aurais pas faite seule à l’époque…
Quand on est jeune, on n’apprend
tôt qu’il peut être dangereux de parler aux étrangers. En voyage seul, le niveau de danger est accru
et fait hésiter encore plus ces moments d’ouverture aux autres. Des fois, c’est le contexte, le lieu, l’absence
de malice dans le regard de l’autre qui fait baisser la garde et franchement, c’est
une bonne chose.