Parce qu'on est tous le fou de quelqu'un d'autres (ou débâcle mégalo en France)
Après
plusieurs années à voyager en Asie dans des destinations pas toujours des plus
excitantes, le changement de rôle au bureau amène avec lui son lot de défi, de
toute évidence, mais son changement drastique dans les destinations où je me
déplace désormais pour le boulot.
Du Sri
Lanka, contrée intéressante à prime abord, un peu moins après le 16e
aller-retour, je vais maintenant davantage en Europe et aux États-Unis, rien
pour me déplaire.
J’étais
récemment dans le Sud de la France à 1 heure de Marseille, pour affaires avec
des collègues. On résidait dans une zone
commerciale plutôt moche, mais à « distance
de marche » d’endroits sympas.
(Oui, après quelques jours, j’adopte les accents et expressions locales,
du coup, on ne sent plus la puissance de mon côté canadien français,
québécois de langue française fluente dans les 2 langues…)
Définition de Véro de ce qu’est une
« distance de marche »
Certaines
diront : Véro is weird. J’assume ma
marginalité et mon côté franchement intense, surtout quand vient le temps de me
balader.
En fait,
les gens qui me connaissent savent que je marche beaucoup. En moyenne, 8km par jour avec des petites
journées à 3km pour promener le chien par temps pluvieux et des sommets à 40km
en grande randonnée. Entre les 2, il y a
un monde. Par affaires, je marche plus
qu’en moyenne car loin du quotidien des courses et responsabilités, j’ai le
temps de le faire, je prends le temps de marcher et par-dessous tout, j’aime
marcher. Aussi, ça aide au niveau
décalage horaire. On voit beaucoup de
choses en marchant. On s’imprègne du
rythme en marchant et on fait des découvertes, comme une boutique de
bandes-dessinées trouvée au détour d’un carrefour isolé à Marseille ou encore
une boutique de personnalisation de sacs.
Je suis
arrivée sur Paris en août dernier et j’ai parcouru 13km dans la journée en
visitant le cimetière du Père-Lachaise et le 20e arrondissement et
13km, c’est peu si on considère que j’en avais fait plus du double lors de ma
première visite à Paris en mai 2015 en une journée… 26km, c’est une bonne marche. Alors quand je dis « c’est à distance de
marche », je comprends que les gens doutent de ladite distance, et me
demandent des précisions.
Dans mon livre
à moi, 3km, c’est à distance de marche.
J’ai d’ailleurs failli faire faire une attaque à un collègue français un
soir en allant à pieds aux restos. Je
croyais vraiment qu’il allait s’étaler sur la voie et mourir… La cigarette ne l’aidait pas, mais aussi, je
pense que 3km, c’était trop pour lui.
Un autre
moment, je me rappelle un soir au Sri Lanka avec des collègues où j’avais
organisé le resto et que je me suis fait demandé où c’était : ma réponse
fut, à distance de marche, mais ça n’a pas convaincu une collègue qui a insisté
pour prendre un tuk-tuk pour y aller, jusqu’à ce que je pointe du doigt
l’endroit à 20m de nous ; 20m, pour elle, c’était une distance de marche ; 3km,
non. Tout est relatif. 3km donc, c’est une longue marche, mais ça va
très bien.
Pour en revenir aux péripéties de la semaine en
France
Bref, la
zone commerciale où l’on est en développement et les commerces qui s’y trouvent
sont limités en termes de diversité : un nombre incalculable de salon de
coiffure, plusieurs restos de fast-food asiatiques ou américains, des
commerçants de rénovation et 2 épiceries.
Puisque je n’avais aucun désir de me faire couper les cheveux avant le
mois de novembre, que je n’importerai pas de tapis et que les fast-foods, c’est
mauvais, on doit se déplacer hors de la zone.
À pieds,
c’est plutôt ordinaire ; on l’a fait, mais passer par la D5, ça craint. (C’est une route départementale qui ressemblerait
à une route comme la 112 au Québec). La
voiture a donc été utilisée pour se déplacer du point A, sis à Saint-Mitre-des-Remparts
au point B à X pour les dîners (pour les Français) ou soupers (pour les
Québécois).
Le jour de
l’arrivée, un dimanche, je suis toujours estomaquée du fait que tout est fermé
ici. Ce n’est de toute évidence pas le
cas chez nous et moi qui fait normalement mon épicerie le dimanche, j’aurais
quelques pépins à m’habituer en France.
On arrive,
ma collègue et moi, à Martigues et on marche.
Les cafés sont ouverts, par chance, et on n’arrive pas trop tard pour
manger à un bistrot (bistrots qui ferment entre 14h et 19h en après-midi).
À 15h, on
est surprise de voir ce qui semble être un défilé de carnaval ; l’explication
est que Martigues est le Venise de Provence et ce jour-là, les personnages
costumés en habits traditionnels avec masque, robes longues et chapeau à plumes
pour les dames et capes et tricornes pour les hommes. Je suis ébahie par le spectacle et j’en fais
la réflexion à ma collègue qui me dit que c’est weird, faisant référence à un
couple costumé « closer » dans le champ de vision. C’est à ce moment que nous avons commencé à
noter les trucs « weirds » dans le voyage.
Un couple
assorti, ça arrive, mais les chemises fleuries, les pantalons rouges et la
coupe de cheveux assortis, c’était une première.
Une femme
qui décide de se lisser les cheveux à l’aéroport en attendant son vol (et on ne
parle pas de le faire dans une salle de bain, mais bien à côté de la porte et
ce, pendant plus d’une heure), c’était une première.
(Mais bon,
comme je disais plus tôt, qui suis-je pour juger des gens bizarres, moi qui
trouve que 3km de marche, c’est une petite marche.)
Chaleur, quand tu nous tiens.
Je saute du
coq à l’âne, je sais, mais alors que le Québec subit une vague de chaleur sans
précédent pour un mois de septembre, la Provence offrait un climat tout aussi
chaud avec, par malheur, peu de possibilités pour se rafraîchir. Apparemment, la clim est une option après
août. Elle était hors fonction à l’hôtel
malgré un thermomètre affichant 29◦ et une absence de vents autour de
la bâtisse faisant en sortes que même avec les fenêtres de la chambre ouvertes,
la chaleur nous assommait.
Les fenêtres
sont restées bien ouvertes toute la semaine et dans une nuit de délire
insomniaque mégalomane comme je les aime en plein décalage horaire, j’ai
commencé à imaginer ma vie en France à convaincre les Français de poser des
moustiquaires chez eux.
Le moustiquaire, cet inconnu
Le
moustiquaire est inconnu ici. Que la
Provence ne comporte pas de zones marécageuses propices à la prolifération des
moustiques – soit! Mais outre les
moustiques, il y a d’autres insectes qui peuvent entrer chez toi :
brûlots, mouches, coquerelles, scarabées, grillons, bref, n’importe quel
insecte, lézard, animal ailé de tout acabit peuvent entrer par les
fenêtres. Je ne sais pas si les Français
qui débarquent ici se disent que nous sommes fous d’avoir des moustiquaires,
mais quand même, il y a une utilité non ?
J’aime ça penser que je contrôle le débit d’êtres nuisibles qui
pénètrent mon humble demeure par ce précieux outil. Des volets de fenêtres, ça fait pas la job
comme on dit. Donc étant donné ma
capacité à créer des besoins pour autrui, je pense que je vais me partir une boutique
là-bas que j’appellerais « No me moleste mosquito ». On entendrait la chanson de Joe Dassin sur la
pub à la télévision. Un hit assuré.
Parce que
sinon, l’option qui reste, c’est quoi ? Porter du chasse-moustique en
permanence et balayer les indésirables hors de chez soi ? Je ne pourrais pas m’en passer.
Pour moi, le moustiquaire fait partie de ces plaisirs simples de la vie.
Évidemment, je n’en suis pas à mon premier trip mégalo qui avortera dans l’œuf car je manque de mojo pour entreprendre un tel projet. Je vais rester weird avec mes propres trucs comme la randonnée, la marche, le brûlage du chien et la cuisine.
Sur ce je me dis qu’on est tous le fou de quelqu’un d’autre :)