Les Bonds : Encore un récit de randonnée pédestre, et non pas de James en vue
Ça faisait
3 ans que mes amis et moi en parlions.
Faire les Bonds, dans le New Hampshire.
Les Bonds, ce sont des sommets de plus de 4000 pieds, soit Bond,
Bondcliff, West Bond. S’ajoutaient 2
autres montagnes à proximité, soit Zealand et Hale, qui sont plutôt difficiles
d’accès en « Day hike ».
En partant
de Lincoln, faire les 3 sommets des Bonds sans les 2 autres en extra se fait
via les sentiers Lincoln Woods, Wilderness et Bondcliff pour un total de 22.4
miles, soit 36 km. Faisable en une
journée, mais limite… Passé 30km, je
suis un peu moins guillerette.
De l’autre
côté, en partant du Zealand trailhead en passant par Zealand Falls Hut, pour
faire Zealand et les 3 Bond, on parle d’un total de 32 km. Faisable encore une fois, assez intense pour
un Day hike vue la quantité de sommets et le fait qu’on repasse 2 fois sur
Zealand et Bond… Par ailleurs, certains
comparses n’ayant pas fait Hale, ce plan en Day hike a vite été mis de côté
pour permettre de mettre des crochets aux côtés des 5 sommets en une
sortie. Le plan a donc été de faire les
5 sommets sur 2 jours en dormant au Zealand Falls Hut.
Aucun de
nous n’avait expérimenté la hutte. Dans
les montagnes blanches, il y a 8 huttes comme celle que l’on retrouve à Zealand
falls. Elles sont toutes à une distance
d’environ 8 miles les unes des autres ; beaucoup de randonneurs de
l’Appalachian trail les empruntent à chaque année pour faire les sections dans
le New Hampshire en formule tout confort (selon la définition de confort propre
à chacun).
Ma
définition de confort : c’est dormir sur une surface relativement molle
sans roches ou aspérités de terrain dans le dos avec une température de plus de
zéro degrés. En hutte, il y a des
dortoirs avec lits superposés pouvant accueillir de 36 à 90 personnes ; en
l’occurrence, Zealand Falls accueillent jusqu’à 36 personnes alors que Lake in
the cloud (non loin du Mont Washington) peut accueillir jusqu’à 90 randonneurs.
Au niveau
des repas, les huttes sont toutes équipées avec des fours, de la vaisselle, un
accès à de l’eau potable et des réfrigérateurs au gaz. Selon la saison, le service est
« self-served » (on cuisine nous-mêmes nos repas) ou tout-inclus (un
ou plusieurs gardiens de hutte cuisinent les repas). Les huttes ne sont pas toutes ouvertes à
l’année ; on voit le détail des possibilités de service et d’ouverture sur le
site de l’AMC au https://www.outdoors.org/lodging-camping/huts/season-dates.cfm
Dans le cas
qui nous occupe, nous avions optés pour un weekend hors saison afin de pouvoir
faire nous-mêmes nos repas. La
différence de prix était importante entre les 2 options et on se disait que des
pâtes, du pain et du fromage, ça ne coûterait pas des masses pour le samedi
soir. Les huttes ne sont pas chauffées
en cette saison, aussi, il nous fallait, en plus de la nourriture, amener des
vêtements chauds et sacs de couchage allant jusqu’à 0°C en cette période (mai)
; il faut cependant dire que les dortoirs, au nombre de 2 pouvant
respectivement convenir pour 18 randonneurs chacun sont relativement exigus et
la proximité entre les randonneurs conservent beaucoup de chaleur humaine… On a pu bénéficier non seulement de la
chaleur de nos co-chambreurs, mais aussi aux concertos de ronflement et autres
bruits (et odeurs) émanant de ces derniers.
Je vous laisse imaginer. Joie.
La randonnée
Les
prévisions météo laissaient entrevoir une grande variabilité de gradient de
température et d’intempéries durant le weekend.
Pluie, vents, soleil, nuage et des swings de +/- 20°C, c’est ce que l’on
avait au menu. Dans le sac à dos, il
fallait tout prévoir en conséquence pour la journée ; de la camisole au duvet
chaud en passant par les incontournables (boussole, kit de survie, allumettes,
canif), la prévention (bas de rechange) et la nourriture nécessaire car de
l’énergie, il en faut pour un tel défi.
Le trajet
entre le stationnement de Zealand et la hutte fait 4km (2.5 miles), dont le
premier 3.7km (2.3 miles) est non accidenté ; le dernier 300 m (0.2 mile) est
une montée de roches mais on voit la hutte du bas de la montée ce qui est assez
motivant. Nous avons fait le trajet en
moins d’une heure, chargés avec nos sacs de 45 litres contenant nourriture,
sacs de couchage et vêtements de rechange.
Pour l’eau, 1.5 litres suffisait pour la première section puisque la
hutte comporte un accès à l’eau pour remplir les gourdes. Après une pause de 20 minutes qui nous a
permis de changer les sacs, choisir nos lits au refuge et remplir les gourdes,
on était prêt.
Ah, l’eau.
Notre corps
est constitué de plus de 60% d’eau.
L’eau,
c’est nécessaire pour vivre.
Si on peut
survivre 30 jours sans manger, on ne peut survivre que 3 jours sans boire. Ça, c’est la théorie. On ajoute que l’on perd en moyenne 2L d’eau
par jour. En randonnée, avec un effort
intense qui nous fait suer de la craque (désolée de la vulgarité) ou de la
nuque, c’est beaucoup plus alors amener un minimum de 2L n’est pas de trop, or,
certains joueurs en ont un peu manqué et ça ajoute à l’inconfort après
20km. Pas que « je vous l’avais
dit », mais disons que j’étais contente avec mes 3 Litres. C’est peut-être plus lourd, mais 1L d’eau
pèse 1kg et aussi légère que je voulais être, j’étais contente de trainer 3kg
d’eau avec moi.
La
randonnée comme telle pour atteindre les Bonds est un aller-retour. On passe sur Zealand, Guyot (qui ne compte
pas) et ensuite, on a fait Bond, Bondcliff, on a repassé sur Bond, fait West
Bond, repassé sur Guyot et repassé sur Zealand avant de revenir à Zealand
Falls. Dans les faits, on fait Zealand
et Bond 2 fois donc c’est comme si on faisait 7 et non 4 sommets dans la
journée pour un 23km de et vers le refuge.
Ça parait.
De Zealand
falls, on prend le Twinway et il y a quelques points de vue jusqu’à l’intersection
vers Zealand. Ensuite, on reste sur
Twinway jusqu’à Guyot qui donne une vue 360 des montagnes. C’est là que nous avons décidé de luncher
malgré le fait qu’il nous en restait encore long à faire à la journée. On en était au 11e km de notre
périple.
De Guyot,
nous avons bifurqué de Twinway vers le Bondcliff trail qui permet d’atteindre
les 3 autres sommets. L’idée était de se
rendre au plus loin, soit Bondcliff et revenir faire West Bond après avoir
atteint Bond 2 fois. Sur le sentier de
2km menant au sommet de Bond, on a eu de la neige, des roches, des racines et
peu de vue. Une fois à Bond, on voit
Bondcliff au loin et ça semble très loin avec un fort dénivelé à descendre et
remonter. 2km qui nous ont pris près de
45 min à faire dans les 2 directions.
Bondcliff
en valait néanmoins la peine et amateurs de vertiges et sensations fortes en
ont pour leur argent (!) pour les prises de photos sur le célèbre cliff. On avait 16km de fait et encore 12 à faire
pour le retour.
Le retour
vers Bond est nettement moins intéressant rendu là. On a déjà le crochet de notre liste de fait
et on a à le refaire pour revenir. La
fatigue commençait à se faire sentir, les réserves de nourriture étaient
nettement diminuées (surtout quand on mange des céleris) et la promesse du
spaghetti de la victoire nous faisait délirer.
C’est un stade normal de toute longue randonnée qui se respecte.
Parenthèse
J’adore la
randonnée, c’est une passion, mais vient toujours un moment dans les longues
journées de plus de 20km où l’on se demande « pourquoi je fais ça au juste
? Sérieux, est-ce que j’ai tant de fun
que ça? ». Le mental embarque, on
compte les km en se disant qu’il y en a plus derrière que devant, n’empêche, le
physique est moins willing de poursuivre et on se sent vieux, pas en forme et
on pense à nos amis qui sont sur le bord d’une piscine à siroter une
bière… C’est quoi que j’ai de pas normal
à être ici alors que je pourrais clairement être avec eux sur le bord de la
piscine susmentionnée…
Fin de la parenthèse
Une fois
revenus sur Bond, on redescend et on rejoint l’intersection menant à West
Bond. 18km de fait, il en reste une
dizaine. Endomondo continue de crier sur
mon téléphone à chaque km sur la distance parcourue et moi j’ai une voix
moyennement convaincue en disant « il en reste 10 gang – let’s go ». On sent la fatigue. West Bond a une vue qu’on ne savoure pas
parce qu’on a hâte au spag et au vino.
Les
crampons étaient requis, mais avec le dégel et la période de mai, on a eu à
mettre et enlever souvent lesdits crampons.
Soit, j’ai apprécié les avoirs jusqu’au site de camping de Guyot. Le site de camping aurait pu être une bonne
option pour nous, par contre, c’est sans réservation, « first in, first
serve » et un weekend de 3 jours pour nous veut dire qu’il faut y être tôt
pour y camper. Plusieurs ont dû trouver
une autre option d’ailleurs ce jour-là.
La remontée
sur Guyot se ressent dans le mollet et je commence à chanter du Beatles. Je suis dans la phase délire. Chanter (faux en plus) des chansons du
Beatles en sautant des notes car l’effort me coupe la voix, c’est un supplice
pour les gens qui m’accompagnent. Tenez-vous
le pour dit : passé 8h de randonnée, Véronique, elle chante des chansons… Nous sommes au 21e km et les
chansons de Rain, All you need is love, Hey Jude et This bird has flown me
restent en tête.
Les 7
derniers km, on est tous sur le pilote automatique. Même au pas de course sur les 2
derniers. Le spaghetti devrait être bon.
À quoi se
résume notre expérience de refuge ? Sans
aller dans les détails et bien que c’était nettement mieux qu’on aurait pu
croire :
- · On a partagé le refuge et la salle commune avec un troupeau de 18 filles scouts de 14 ans à l’humeur festive qui n’avaient pas fait 28km dans leur journée
- · On a eu chaud la nuit dans les espaces confinés
- · On a apprécié les bouchons pour oreilles qui ont été utiles, mais insuffisants pour pallier aux bruits.
Le
lendemain matin, le plan de match a changé.
On a fait l’aller-retour de Hale (vers un tas de roches magnétiques pas
particulièrement notable) et redescendu vers le stationnement en un temps
record. Un beau weekend.
En écrivant
ces lignes, je suis devant un ordinateur ; ordinateur qui constitue mon outil
de travail au quotidien et je me demande ce que je fais devant l’écran alors
que les montagnes m’appellent dehors.
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