La honte ou pourquoi trop c'est comme pas assez... en ski de fond

L'an prochain, ça fera 30 ans que j'ai le même médecin de famille.  30 ans que je fais partie des chanceux qui ont un médecin de famille, déjà, et en plus, un de longue date.  Bien sûr, quand ma famille a décidé d'aménager à Beloeil, nous avons été à la base bien accueilli dans cette ville de la Montérégie adjacente au Mont St-Hilaire.  Une clinique ouvrait ses portes et un nouveau médecin accueillait de nouveaux patients donc ma famille et moi, tous fraîchement arrivés de Gaspésie à l'époque avons pu bénéficié de cette opportunité.

Quand tu vois le même médecin depuis si longtemps, un certain lien familier se forme.  Il suit mes parents mon frère et moi depuis tout ce temps.  Il m'a connu ado, a suivi mes blessures sportives de jeunesse: des troubles de genoux liés à la pratique du badminton, la fois où j'ai disloqué mon épaule dans une tentative infructueuse de wakeboard à 28 ans, des douleurs aux jambes à faire 14 montagnes de 4000 pieds en 10 jours... Disons que le constat demeure, j'ai tendance à me la jouer dure et à ne pas prendre trop de repos.  Tout a changé après ma phlébite veineuse profonde en 2019 ; j'ai été forcée au repos et il ne me serait pas venue à l'esprit de déroger des instructions médicales en raison du bébé que je portais.  

Toujours est-il qu'à partir de septembre 2019, j'ai pu recommencer tranquillement le sport.  Après plusieurs années à avoir délaissée le ski de fond classique, j'ai repris cet hiver-là, d'abord pour quelques sorties à l'hiver 2020 et avec un abonnement 5 jours en 2021.  Fébrile à l'automne, j'ai obtenu une passe de saison 7 jours et j'avais bien l'intention de rentabiliser mon investissement. 


Si je récapitule, je n'ai pas vraiment eu d'épisodes dignes de mention sur le plan douleur ou blessure depuis 2019.  Jusqu'à lundi dernier...  

Vous me voyez venir.

Ceux qui me connaissent depuis longtemps, comme mon médecin ou même moins longtemps, savent que je peux être intense.  1 plus 1 = une douleur intense, aigüe, inexplicable sur le coup et bien sûr, le récapitulatif des événements depuis janvier, expliqué au médecin jeudi a mis en lumière une maladie dont je suis atteinte depuis toujours, soit l'incapacité à prendre un break.

La saison au parc Orford pour les fondeurs dont je fais partie a débuté le 3 janvier dernier.  Sachant que la saison dernière s'est terminée au 15 mars, ça veut dire que la belle saison de ski ne dure que 10 semaines.  Vous rappelez-vous des 25°C ressentis un 25 mars il y a 2 ans?  J'avais fait du vélo...  

Nul besoin de dire qu'à 200$ environ pour l'abonnement 7 jours en pré-vente, avec un coût à la journée d'environ 15$ la sortie, ça prend environ 13 sorties dans la saison pour être "break-even" par rapport à l'abonnement.  Donc de 1, je veux "entrer dans mon argent".

Histoire de non sportive

Ensuite, jeune, j'étais vraiment mauvaise en éducation physique.  Dernière choisie dans les sports en équipe, je détestais la course, je n'aimais pas le patin, je manquais de coordination... J'avais la note de passage, équivalent à 60% sur tous mes bulletins au primaire... J'ai toujours pensé que j'étais condamnée à être mauvaise en sports.  Le sentiment de médiocrité ne s'est pas estompé au secondaire.  Je me rappelle encore un cours d'éducation physique où je devais avoir 13 ou 14 ans.  Le professeur n'a sans doute pas utilisé ces mots, mais le message que j'ai compris était que : " vous, les filles, êtes au sommet de votre forme physique. À partir de maintenant, votre défi est de maintenir la forme. "  Il mentionnait aussi un truc du genre qu'on épaississait et que notre défi était de garder une paire de pantalons de 14 ans et de pouvoir les mettre encore à 20-30-40 ans..."   Dans ma tête, non seulement je me disais que j'étais mauvaise en sport mais en plus, que ça n'allait pas s'améliorer.  

Au Cégep, l'approche de l'éducation physique était totalement différente.  Au lieu de voir la compétition entre individus, on se mesurait sur notre propre capacité à s'améliorer.  J'ai choisi badminton comme sport une session et musculation lors d'une autre.  Là, j'ai compris que ce que je pensais jusqu'alors était faux et qu'on pouvait s'améliorer.  J'ai pris habitude à me mesurer et à être fière de mes progrès d'une fois à l'autre.  En randonnée, en musculation, aux poids et haltères, en vélo, j'ai commencé à calculer les progrès et ça m'a mis en paix avec ma hantise des sports.  De 2007 à 2011, je tenais même un fichier Excel de toutes mes sorties et activités.  Mes amis me trouvaient crinquée (ils me trouvent d'ailleurs encore crinquée ceci-dit).









L'arrivée des applications (Strava, quand tu nous tiens)

Quand j'ai eu mon premier téléphone intelligent et que des applications mobiles ont commencé à être disponibles gratuitement pour le suivi des activités sportives, les fichiers Excel ont pris le bord et le suivi s'est fait avec les apps.  D'abord avec feu-Endomondo, remplacé par Under Armour Run, j'ai migré sur Strava en 2020 suite à la recommandation d'un ami qui s'en servait pour ses sorties à vélo.  Pourquoi pas ? me suis-je dit.  Ne sachant pas le sentiment compétitif que l'application allait apporter.  

Effectivement, avec Strava, non seulement je regarde ma propre évolution mais en plus, je suis des amis sur l'application.  Pas très active, je suis en fait 21 personnes et 13 me suivent.  Typiquement, plus tu fais de sport et que tu enregistres, plus souvent tes "exploits" vont popper dans le fil d'actualités de tes amis.  Et vice versa...


The perfect storm

Donc, si on récapitule jusqu'à présent:

1- Une motivation à rentabiliser une passe de ski

2- Une saison de ski très très courte

3- Une confiance dans mes habiletés physiques développées sur le tard

4- Une tendance à suivre ses performances et son évolution

5- Le suivi des performances des amis et un désir de se surpasser soi-même en comparaison... 

Ça donne quoi au final ?  Oui, un abus d'activité physique, mais là, c'est en rétrospective que j'écris ceci car sur le coup, dans le feu de l'action, je n'ai pas fait ce constat.  C'est plus le médecin qui me l'a mis au visage en me questionnant après une visite où je craignais souffrir de phlébite à nouveau...

Dimanche, j'avais un coup de fatigue, j'ai fait une courte sieste avant d'aller faire 20km de ski de fond.  

Lundi, je sens mes jambes lourdes.

Mardi, je crains la phlébite.  J'ai mal aux jambes, j'ai des sueurs, j'angoisse, je peine à demeurer assise...

Mercredi, j'appelle mon médecin, ça y est, c'est une autre phlébite.

Jeudi, rendez-vous médical.  J'anticipe le pire diagnostic, je crains ne pas me rendre en voiture à mon rendez-vous, je préviens mes collègues...  Je ne veux tellement pas revivre ça!


Dialogue avec le médecin

Je raconte mes histoires, mon historique depuis lundi, mes douleurs aux jambes.

Pression normale

État général bon

Il regarde et mesure mes jambes: même pas proche de possiblement avoir une trace de semblant de phlébite.  Même pas la peine de faire d'autres tests...

Moi: "J'ai quand même très mal depuis mon 20km de ski de fond dimanche"

Doc: "20km.  Tu fais combien d'habitude?"

Moi: "environ 10km de la sortie, une douzaine de sorties depuis le 3 janvier"

Doc: "Oh! C'est quand même beaucoup.  Donc tu avais un coup de fatigue dimanche et tu es allé en ski"

Moi: "oui, j'ai vu le chiro jeudi et j'avais une douleur à l'épaule, mais en ski, ça aide."

Doc: "Le repos, ça aussi, ça aide..."

Bon, pour résumer, fatigue musculaire, c'était le diagnostic.


Je ne lui ai pas dit que je m'étais vraiment poussée en plus dimanche pour essayer de voir combien vite je pouvais faire le circuit de 20km qu'un ami qui fait des ultramarathons a réussi à boucler en moins de 2h... Je n'ai pas mentionné ce fait.  Je suis loin de la faire en bas de 2h, ça m'a pris 2h34.


J'étais tellement honteuse en sortant, j'ai rassuré mon entourage, j'en ris maintenant, mais en en parlant à des amis, je me disais que Strava, c'est mal quand tu regardes les autres aller et que tu te dis: "wow, c'est une machine, je vais me botter les fesses pour en faire plus".  Paradoxalement, le même couple d'amis à qui j'ai écrit ceci me disait qu'en me suivant sur Strava, eux trouvent que je suis une machine.  Ha ha.  On se disait: cette personne-là ne doit pas travailler, elle est toujours dehors! 

On est tous la machine de quelqu'un d'autres et y'en a clairement des plus hots que nous.  Il va juste falloir que j'apprenne à ne pas accélérer la cadence quand quelqu'un s'apprête à me dépasser en ski de fond ou que je me force à sortir malgré la fatigue parce qu'un ami le fait...  Que j'arrête de regarder mes stats...  

Même si je suis contente d'avoir fait en N=26 jours, n=15 sorties pour un total de 170,75km donnant une moyenne de 11,38km et un écart-type de 4,1km.

Bonne saison de ski de fond!

Commentaires

  1. Comme tu as déjà rentabilisé ton abonnement, tu peux "slacker" la poulie pour faire du ski de fond plus récréatif et t'assurer de ne pas brûler ton corps pour profiter de la course et le hiking cet été ;-) p.s. : j'espère que ton prof de gym du secondaire a été renvoyé, c'est assez pour décourager n'importe quelle fille qui n'ont pas ta persévérance et détermination !

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    1. L’histoire ne dit pas ce qui est arrivé au prof de gym et j’étais jeune, alors a-t-il vraiment dit ça? Est-ce que j’ai mal compris? Tout ce peut! C’est sûr que j’avais pas confiance en moi au niveau sportif à l’époque et les commentaires n’ont pas aidé. Je vais effectivement prendre ça mollo pour le reste de la saison ;)

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