« T’as comme trop de dents dans la bouche »

Souvenirs d'hier...

On vit des moments qui marquent plus que d’autres lorsque l’on est enfant.  Pour certains, c’est la première débarque en vélo dont ils ont souvenir vif et d’autre, le décès du cochon dingue écrasé par un pas malencontreux.  J’ai plusieurs souvenirs vibrants, mais l’un qui a occupé une grande partie de mon enfance et adolescence est en lien avec mes traitements d’orthodontie.  (C’est quoi le rapport entre un blogue de voyages et des traitements d’orthodontie ?  J’y arrive).


J’ai eu besoin de suivre des traitements.  J’avais des problèmes de dents (que ma mère attribuait à l’hérédité de mon père et vice versa, vous voyez le genre) ; mes dents d’en avant, communément appelées « palettes » avait un espace de quelques mm entre elles.  Si ce n’était pas assez, j’avais aussi un espace de près de 1 cm entre le haut et le bas des dents, me créant une incapacité à croquer une pomme.  (Pour manger une pomme, il fallait soit la couper en quartier, soit que je la croque avec mes molaires, ce qui occasionnait des mimiques à la Jean Chrétien). 
Mes parents dans leur grande sagesse ont consulté très tôt un orthodontiste et lorsque je fus en âge, il fut décidé du traitement qui s’échelonnerait sur plusieurs années.  Je remercie mes parents de cette décision, bien qu’onéreuse et qui hypothéquerait sérieusement les plans voyages (ah! Voici le lien) pour les années à venir. 



« Des vacances à Disney? Ma fille, le voyage à Disney, il est dans ta bouche » Ce ne furent sans doute pas les mots employés, mais ce que je me rappelle, c’est que c’était récurrent de faire des commentaires sur ma bouche et je me rappelle mon frère cadet disant « c’est pas juste, moi mes dents ont rien et je paye pour. »

Parenthèse
Je suis allée à Disney des années plus tard, deux fois plutôt qu’une :  avec une amie d’abord pour jouer les princesses à Magic Kingdom (passée 30 ans, c’est moins cute) ; avec ma mère ensuite, quelques temps plus tard pour fêter ses 60 ans.  
Fin de la parenthèse

J’ai eu droit à la TOTALE.  Vous avez peut-être déjà croisé des jeunes avec des appareils tellement volumineux qu’on les ostracisait ou les prenait en pitié ?  J’étais une de ces jeunes qui était source de moquerie dans la cours d’école avec mon fameux casque de cheval.  Heureusement, à Ahuntsic où j’étais à l’époque, il y avait une autre fille comme moi qui portait le casque.  Je n’étais pas seule. 
Avec le recul, je pense que ça explique le développement d’une certaine résilience, mais aussi un certain côté cinglé chez moi.  Des années plus tard, même après ne plus avoir eu le casque, je me rappelais ce regard.  (Je n’ai pas gardé d’image de moi et mon casque, désolée).

Le casque, je l’ai porté nuit et jour pendant plus de 2 ans et quelques mois ensuite les nuits seulement après avoir déménagé à Ste-Anne-des-Monts et changé d’orthodontiste ; ce dernier a dû me prendre en pitié ou se dire que je n’aurais aucune chance à l’école comme nouvelle élève avec un casque et a dit que je n’en aurais plus besoin dans le jour.
Toujours est-il qu’ensuite, le casque me serrait la nuit et la pression exercée, relâchée durant le jour, me donnait des migraines. 
L’orthodontiste était loin, à près de 2h de route, à Rimouski.  J’avais aussi à voir un orthophoniste, car mes problèmes de dents, longtemps attribués à du suçage de pouce selon les experts (ce que je me tuais à réfuter), furent ensuite attribués à une mauvaise allocution et utilisation de ma langue en position repos.  J’ai donc eu droit à des exercices de diction et à réapprendre à bien mastiquer…  « La langue sur le spot, la langue sur le spot » J’ai vraiment entendu ça souvent.  (Le spot, c’est un point au palais pour ceux qui demandent).
Ma mère essayait donc de combiner autant que possible les rendez-vous pour limiter les allers-retours à Rimouski (la grande ville) ; j’ai bons souvenirs de ces escapades car en plus de manquer l’école, je passais du temps de qualité avec ma mère et on en profitait pour magasiner.  Le bonheur.

Après le casque, ce fut le temps de broches. 
Rien de fancy comme on trouve aujourd’hui avec des boitiers transparents pratiquement invisibles.  Non.  J’avais de gros boitiers en métal bien visibles et je pouvais mettre des élastiques de couleur pour agrémenter.  Une bouche arc-en-ciel.  Wow.
J’ai eu mes broches plus de 3 ans. 
3 ans d’ulcères et de nettoyage difficile avec la nourriture qui pogne sous les fils et entre les boitiers.  Les dents de la mer, dans Elvis Gratton, c’était moi. 
J’étais dans les rares à l’école avec des broches et j’ai eu droit à tous les commentaires à leurs propos.  Ça n’a pas duré longtemps ; mes parents ont déménagé, j’ai changé d’école et d’orthodontiste encore une fois.  À Beloeil, des broches, plusieurs jeunes en avaient et personne n’en parlait vraiment ; c’était commun, banal même. 
Je me rappelle mes 15 ans, moment où j’ai finalement eu le verdict que je pourrais retirer les broches ; oh joie!  J’ai eu droit à quelques blagues à ce moment, mais disons que c’était la fin alors je riais et si ça se trouve, je me moquais bien maintenant des dernières années passées. 
Le sentiment intense de plaisir quand j’ai retrouvé la sensation de dents lisses après 3 ans de broches, je m’en rappelle encore.
Évidemment, à cet âge-là, je faisais des niaiseries (je fais encore beaucoup de niaiseries vous allez dire, mais disons que j’étais plus téméraire que maintenant).  Un soir, alors que je roulais à vélo en zigzaguant entre les poteaux délimitant la piste cyclable à l’été 1996, j’ai glissé sur le gravier et mon corps a décidé de devancer mon vélo sur la trajectoire moyennement rectiligne pour s’étaler au sol, face la première.  Le résultat, une dent cassée, un visage tuméfié et égratigné du menton au front.  C’était ma première dent cassée pour vrai (les dents de bébé, ça ne compte pas), une palette en plus, à quelques jours de la rentrée des classes de 5e secondaire.  Il va sans dire que mes parents ont eu le réflexe de dire « tu avais finalement terminé les broches, ça te tentait pas de garder tes dents belles 5 minutes? »  Mon ambition envers le vélo de montagne s’est éteint avec l’extinction des extrémités nerveuses de ma palette.  La palette n’est pas tout à fait morte encore, mais elle fatigue ; ma dent noircie et j’ai dû, quelques années plus tard, après avoir complété mes études universitaires, me faire poser une facette pour corriger cet accroc. 
 Après le secondaire, ce fut le cégep donc et je me rappellerai toujours le commentaire d’un garçon que j’appréciais jusqu’alors, mais moins ensuite, qui m’a dit « t’as comme trop de dents dans la bouche »…  Est-ce parce que je souriais trop ou parce qu’il ne trouvait rien de mieux à dire ?  L’histoire ne le dit pas, toujours est-il que je suis devenue susceptible sur le sujet après tant de dur labeur. 


À aujourd'hui

Aujourd’hui, 20 ans après le bris de la fameuse palette, après le retrait des broches (l’appareil que j’ai porté ensuite jusqu’à 20 ans était en caoutchouc et jamais aussi inconfortable que les broches ou le casque de cheval alors je vais passer outre), je dois revivre ce traumatisme.
La correction mécanique de l’époque a bien fait le travail sur 20 ans, mais le travail est insuffisant pour mon palais, mes sinus et mes dents, par extension.  Je vais donc me faire poser des broches dans quelques semaines et subir une chirurgie maxillo-faciale quelques mois plus tard.  La face va changer.  J’aurais encore trop de dents dans la bouche.  J’aurai encore des morceaux de carotte entre les boitiers, mais dans 20 moins, ce sera fini, du moins, je l’espère.
Mes vacances et mes voyages cette année, ils seront dans ma bouche.  (Je vais tricher, je l’avoue car il m’en reste de l’an dernier et comme dirait une amie, « one life to live », mais pas d’excès…  Du moins, selon ma définition d’excès ! Et ce ne sera pas Disney, mais c'est bien correct, à moins que... Ouin, je suis peut-être due pour revoir Walt).

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