Rencontres impromptues

Je suis allée faire une randonnée aux États-Unis hier, plus précisément dans le Vermont, 6e plus petit état américain et 2e moins populeux (après le Wyoming).  Ce voyage aller-retour en une journée m'a permis d'apprécier les beautés de la région du sommet du Mont Mansfield.  En ce début de mai, il y avait encore beaucoup de neige dans les sentiers, mais l'air était chaud et la fonte s'en est trouvée accélérée.
  
L'ascension est suante ; la montagne faire 4393 pieds, ce qui est relativement peu comparé à d'autres dans les états avoisinants, mais il faut dire que je me suis couchée tard la veille (ou plutôt tôt ce matin-là (!), phénomène rare s'il en est un, moi qui considère que je fais la grasse matinée quand je me lève après 7h.

Bref, je suis passablement éméchée de la veille, pas très motivée au départ, mais, orgueil oblige, j'avance et je me rends au sommet.

Je croise 2 garçons, des New Yorkais, qui semblent en moins bonne posture que moi encore, clairement pas équipés pour faire de la randonnée dans ses conditions: shorts aux genoux, espadrilles aux pieds, sans crampons ni bâtons de marche avec toutefois dans leur sac à dos suffisamment de liquide pour la journée, ce que je découvrirai en fait plus tard être une ration importante d'alcool...

Normalement, lorsque je suis seule, je porte dans le front, au sens figuré du terme bien sûr, mon insigne qui dit "back off", incitant toute personne éventuelle à ne pas s'adresser à moi d'aucune sorte. (Parenthèse, ce n'est pas tout à fait l'expression qui est écrite dans mon front, mais une bien plus vulgaire que je vous laisse imaginer.  Comme astuce numéro 1 pour ne pas se retrouver harcelée par des vendeurs itinérants, des chauffeurs de taxi insistants ou des étrangers, c'est encore ma meilleure tactique, ici ou ailleurs...  Bon, ça explique probablement aussi pourquoi je suis jugée "inaccessible" par les hommes et pourquoi je suis célibataire, mais....)
Donc hier, voyant les 2 jeunes hommes en détresse, j'ai effacé l'insigne dans mon front et je leur ai prêté assistance en leur suggérant le meilleur chemin pour retourner en bas sans encombre, soit par le chemin le moins accidenté et le plus sec.  Je leur ai souhaité bonne chance et j'ai ensuite franchi les quelques 500 mètres qui me séparaient du sommet, avec non pas 1, mais bien 2 chiens car je gardais le chien d'une amie ce jour-là.

Après une courte séance de photos, du fromage et quelques carottes, j'entame la descente pour retrouver les 2 hommes qui ont décidé de ne pas continuer seuls et me demandent d'être leur guide pour le retour, moyennant une canette de bière.  J'accepte, c'est là le début de mon métier de guide de montagne...  Mais bon, la rémunération en bière ne payant pas l'hypothèque, "I'll keep my day job".
J'apprends de cette rencontre qu'ils sont des amis de longue date, se connaissent depuis 18 ans et ont une passion commune pour Batman, le meilleur super-héros de tous les temps (personnellement, c'est plus Ironman vu que c'est un ingénieur après tout, mais on peut argumenter).
Je me sens dans un épisode de Big Bang Theory avec Wollowitz & Raj, où Wollowitz étudie en droit et Raj est Mexicain plutôt qu'Indien.  
Je l'ai ramène « sécuritairement » à leur véhicule, on échange des coordonnées qui ne seront sans doute jamais utilisées comme ça arrive souvent dans ces rencontres fortuites et je songe à tous ces gens avec lesquels j'ai partagé de brefs instants de bonheur comme celui-ci.

Je songe à Mike, du Maine, qui avait égaré ses lunettes de soleil sur le chemin menant au Mont Isolation dans le New Hampshire, non mécontent de les avoir récupérées auprès de "the girl with the black dog".  (J'avais en effet fait la découverte des lunettes en chemin, les avais ramassées et je demandais à tous les gens que je croisais s'ils avaient perdu des lunettes...  Mike posant la question à tous si quelqu'un avait trouvé les siennes, quelqu'un a finalement fait 1+1 et dit que la fille au chien noir les avait.)  Il avait tant de gratitude à mon égard, me disant qu’il s’agissait de sa première paire « chère », qu’il m’a accompagné pour finir la randonnée ensemble avec un autre randonneur qui finissait sa 48e montagne du NH ce jour-là.  J'ai gardé contact avec Mike pour une randonnée dans le Maine à venir.  

Je songe aussi à Michael et Erick, couple de Toronto rencontré à Bangkok lors d'un cours de cuisine Thaï et revu plusieurs fois lors de mon voyage en décembre 2012 avec lesquels j’ai visité quelques musées.

Je pense aussi à Geneviève, rencontrée dans un de mes rares voyages en tout-inclus.  L’une comme l’autre, on s’emmerdait dans la formule et on a exploré les recoins de la République Dominicaine, excursion que je n’aurais pas faite seule à l’époque…


Quand on est jeune, on n’apprend tôt qu’il peut être dangereux de parler aux étrangers.  En voyage seul, le niveau de danger est accru et fait hésiter encore plus ces moments d’ouverture aux autres.  Des fois, c’est le contexte, le lieu, l’absence de malice dans le regard de l’autre qui fait baisser la garde et franchement, c’est une bonne chose.  

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