Sri Lanka is different

Petite leçon d'histoire
Le Sri Lanka, anciennement Ceylon, est une île de 65000 km carrés de près de 20 Millions d'habitants au sud de l'inde.  
Proche de ce géant, mais n'osez jamais comparer les Sri Lankais aux Indiens sous peine d'être fortement critiqués par ces premiers (et à en croire les commentaires des locaux, les Indiens n'aiment pas non plus la comparaison.
Le Sri Lanka est une île donc, peuple colonisé aux influences successives dans le désordre des chinois, des portugais, des anglais, des hollandais, qui a vécu une guerre civile de 26 ans, terminée en 2008.
Après un tsunami dévastateur en 2004 qui a tué près de 35000 personnes, la guerre a fait entre 60 000 et 100 000 victimes.  Les chiffres ne sont pas officiels.  
Connu pour son thé, ses épices (dont la cannelle), son caoutchouc (qui fait des pneus!) et ses fabriques de "guenilles", on peut qualifier le pays d'un pays en développement.
J'y travaille.  J'ai mon visa de résidente depuis février.  C'est un défi car, "Sri Lanka is different".

Besoins primaires
Alors que le Québec est prisonnier d'un hiver qui ne finit jamais, mes amis sont jaloux de ma réalité sri lankaise et honnêtement, je les comprends: les plages, la chaleur, les récits de voyage semblent fabuleux.
Par contre, il ne faut pas oublier qu'à la base, c'est un pays où les conditions humaines de base ne sont pas toujours présentes, où l'approvisionnement en denrées est difficile, où les conditions de salubrité sont souvent douteuses et où on peut très souvent "tomber malade" par ce que l'on mange ou par ce qui nous pique.

Exceptionnellement, une amie a décidé de m'accompagner dans un de mes périples dans ce pays désormais familier.  Je réalise que je suis habituée et à quel point on est privilégié au Québec par la facilité à laquelle on trouve de tout, partout.

Les phrases entendues cette semaine - avec ma réaction:
"Pas d'eau chaude dans la douche" -Ma réaction: "Ah, oui, en effet"
"Pas de papier de toilette" -"Oui, j'ai des kleenex dans ma sacoche"
"Les guichets fonctionnent pas" -"Tiens, j'ai des roupies en masse, j'ai retiré à Colombo"
"C'est dont bien long au resto" -"Au moins, il est ouvert....  Il faut être patient pour manger ici."
"Ça existe un plat non épicé ??" -"Pas vraiment"
En fait, l'idée avec les épices, c'est que le plat sri lankais est épicé ET pimenté, une combinaison entre le curry indien (épicé) et le curry thailandais (pimenté).  Nos systèmes digestifs occidentaux résistent très mal à cette combinaison explosive, ce qui fait que c'est normal d'être malade au moins une fois par semaine.
"Internet est lent" -"Ouin, ça dépend où tu es...  À Negombo, ça ne fonctionne pas.  À Colombo, ça dépend des ondes.  Dans le Sud, c'est intermittent..."
"Je dors pas, le bruit est intense."  -"En effet.  Les klaxons sont très utilisés et les murs ne sont pas très épais, nul part".  Il y a aussi la musique rave à toute heure de la nuit dans certains hôtels, les camions de crème glacée, les gens qui crient ou chantent...
"Y'a des insectes dans la nourriture" ou "Est-ce qu'elles piquent ces fourmis-là?" ; les petites sont ok, dans la nourriture, c'est une protéine de plus.  Les petites fourmis sont ok, mais les rouges piquent.
"Y'a un cheveu dans ma nourriture" -"Tu l'enlèves et tu manges"
Et bien sûr, c'est très correct de cracher quand on mange un bout croquant...  


Conduite
Je connais peu de gens qui se risqueraient à conduire en sol sri lankais.  Des amis "dans le sud", le font, les weekends seulement, en prenant bien soin d'éviter les autobus rouges.  (Autobus locaux conduits par des forcenés...  D'ailleurs, j'ai eu un accident cette semaine; l'autobus a embouti solidement le véhicule hybride dans lequel je prenais place.  C'est commun.)

Les règles de la route sont plutôt inexistantes.  On se doit donc de prendre des transports en commun (tuk tuk, appelés ici "Three wheels" ou "Trishaws" ou des taxis, quand on n'a pas de chauffeur attitré.
Ce n'est pas rare que tu prennes un tuk tuk ou un taxi et que le chauffeur n'ait aucune idée de la destination, par contre, "pour ne pas perdre la face*", au lieu de dire qu'ils ne savent pas c'est où, ils vont se taire, ce qui fait que tu peux tourner en rond longtemps avant de te rendre à destination.

Moi: "Do you know where it is ?"
Driver: "..."
Moi: "Yes or no?"
Driver: ne répond toujours pas, mais semble demander son chemin en singhalais à un local.
Moi: "Yes or no?", légèrement irritée par l'absence de réponse
Driver: "M'am, don't be like that" 
Et ça peut prendre plusieurs minutes, 3-4 changements de tuk tuk et le bon vieux Google maps pointé sous le nez du chauffeur pour arriver à destination.
Sri Lanka is different.

Expressions les plus entendues

"It will take 5 minutes m'am" -Traduction: au moins 30 minutes, facile, avant que la personne pense même à manifester une action pour bouger.


"M'am, you don't understand" Que répondre à ça.  Et là, la personne de demander à un homme "look sir, she doesn't understand, please explain".  Car évidemment, on ne cherchera pas à s'expliquer avec une femme.  Disons que la notion même d'égalité homme-femme n'existe pas vraiment.
Les femmes ne peuvent boire d'alcool.  À Colombo, pas trop de problème, c'est très touristique, mais dans "le sud", c'est l'homme qui peut commander à manger au restaurant.  On a déjà totalement ignoré ma requête pour de l'eau, mais un collègue masculin n'a aucun problème à en commander. Autre réalité.
Les femmes travaillent, mais ce n'est pas une majorité.  Elles comptent sur l'homme pour les entretenir.  Je me suis d'ailleurs fait poser la question à savoir pourquoi je voudrais un homme dans ma vie?  Je n'en ai pas besoin car je peux tout me payer sans homme et faire ce que je veux.  (Et c'est un homme qui me posait la question, très sérieusement).


"Sri Lanka is different"
En fait, sur le dernier point, curieusement, c'est le commentaire que j'entends le plus souvent, quelque soit l'endroit où je vais.  "Thailand is different", "Taiwan is different", "Korea is different"...  À part en Chine ou aux États-Unis, c'est pas mal souvent dit de cette façon.
Au Sri Lanka, on préfère communiquer par courriel plutôt que de parler à notre collègue au bureau voisin.
Au Sri Lanka, on ne prend pas de décision en équipe, c'est souvent "top down".
Au Sri Lanka, chacun a un rôle spécifique, pas question d'aider son voisin dans ses tâches car ce n'est pas dans notre "job description".  Comme si tout le pays était syndiqué.
Au Sri Lanka, dans les réunions familiales, les hommes boivent et mangent pendant que les femmes s'occupent des enfants (sans manger ni boire).
Sri Lanka is effectivement différent.  Mais l'humain reste humain et ça, c'est international comme phénomène.**

"Sorry m'am, we don't have"
Que ce soit au restaurant, à l'épicerie, à l'hôtel ou dans les boutiques, il n'est pas rare d'être en rupture de stock: nourriture pour chat, savon à vaisselle, café, pain...
C'est là que les expats comptent sur l'affluence d'amis et de collègues occidentaux pour leur "replenishment" ;)
Ces mêmes amis qui rêvent parfois de Costco ou autres épiceries occidentales où on ne manque jamais de rien.

Autre pays.  Autres habitudes.


* La notion de "perdre la face" est très répandue en asie.  On entend souvent dire que le pire déshonneur pour un asiatique est de perdre la face.  Par contre, en connaissez-vous beaucoup des gens qui aiment "perdre la face"?  À réfléchir et fera l'objet d'un article très prochainement.
** Les différences culturelles... un autre futur sujet à venir :)


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